Santé au Travail

Les addictions en entreprise pendant la crise de la covid-19

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Les addictions dans le monde du travail sont une réelle problématique pour les entreprises, d’autant plus pendant la période exceptionnelle que nous traversons. Leur augmentation pendant la crise de la covid-19 est une source d’inquiétude pour les professionnels de santé. Quels sont les chiffres aujourd’hui ? Quel est l’impact de la crise sanitaire ? Comment les entreprises peuvent-elles prévenir et accompagner les collaborateurs face aux addictions ?

Les addictions dans le monde du travail

Par définition une addiction est une forte dépendance à une substance nocive ou à une activité qui peut avoir un impact lourd sur la santé et le quotidien. Même si les personnes ayant un travail sont moins touchées que les demandeurs d’emploi, les addictions sont bien présentes en entreprise.

Les addictions sont de deux sortes :

  • la dépendance aux substances psychoactives (alcool, tabac, cigarettes, drogues, médicaments, etc.),
  • l’addiction comportementale.

La dépendance au travail et aux écrans

Le workaholisme, la dépendance au travail, est un exemple d’addiction comportementale : lorsque le collaborateur est obsédé par son travail au point d’y penser à chaque instant, même en dehors des murs de l’entreprise, vivant dans une perpétuelle situation de stress.

On peut aussi évoquer la techno-dépendance qui concerne l’addiction aux nouvelles technologies (la dépendance aux écrans, réseaux sociaux, mails, etc.). 37% des actifs continuent à utiliser ces outils numériques en dehors de leurs heures de travail (étude Eléas). Les addictions peuvent naître dans le cadre de l’entreprise (pour aider à supporter les conditions de travail par exemple) ou apparaître dans la sphère privée.

Tous les secteurs sont touchés mais certains plus sensibles que d’autres : le BTP, les arts et spectacles et l’hôtellerie-restauration. L’addiction peut être souvent liée à la pénibilité du travail.

Les addictions pendant la crise de la covid-19

Les chiffres de l’enquête IPSOS sur les addictions en période d’épidémie

Une enquête IPSOS parue fin 2020 révèle l’impact important de la crise de la covid-19 et des confinements successifs sur les addictions en entreprise. Les principales raisons de cette augmentation sont l’isolement (pour 31% des personnes interrogées) et l’augmentation des objectifs en matière de performance (34%). Donnée inquiétante : 13% ont déclaré un état de santé dégradé (sont surtout touchées les personnes travaillant dans les hôpitaux publics, les personnes isolées ou avec une charge de travail en augmentation).

On constate dans cette étude une modification de la consommation des substances psychoactives :

  • une augmentation de la consommation de tabac et de cigarettes électroniques (accentuée par la possibilité de s’en fournir facilement),
  • une baisse de la consommation d’alcool (qui reste cependant l’addiction la plus importante) et de cannabis (plus difficile à se procurer pendant cette période). Cette baisse est liée à la volonté des interrogés de se sentir en bonne santé, de mieux dormir et de perdre du poids.

L’impact du télétravail sur les addictions

Aujourd’hui le télétravail est devenu la norme. Le Gouvernement appelle à le prioriser quand cela est possible pendant la crise sanitaire. Si au début il pouvait être perçu positivement pour beaucoup de français, le temps a fait son œuvre et les impacts négatifs se font ressentir. D’après une étude d’impact sur le télétravail menée par GAE conseil spécialisé dans la prévention des addictions en entreprise, et l’institut Odoxa, trois-quarts des Français estiment qu’il accroît les pratiques addictives à cause de l’isolement et de la solitude.

41% des personnes interrogées sont plus sujettes aux addictions depuis qu’elles sont en télétravail : l’hyperconnexion pour 8 personnes sur 10, la consommation d’alcool pour 75%, le tabac pour 66%. Viennent ensuite le cannabis, les médicaments et autres drogues. L’addiction au travail à quant à elle bondit, elle est en hausse pour 61% des télétravailleurs.

Le fait de ne plus être présent dans les locaux facilite la prise de substances et évite au collaborateur de se cacher ou de trouver des stratagèmes pour la consommer. Il n’est plus face au sentiment de honte mais face à son addiction.

Quelles solutions pour les entreprises pour prévenir et accompagner les collaborateurs ?

Les addictions dans le monde du travail sont une réelle problématique pour les entreprises, d’autant plus pendant la période exceptionnelle que nous traversons. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : elles sont en hausse et il est plus difficile de les percevoir chez ses collaborateurs qui sont pour beaucoup en télétravail.

L’étude IPSOS citée ci-dessus propose des actions pour prévenir et accompagner un salarié dépendant. La priorité est de travailler sur les relations, les objectifs et l’organisation pour rendre les conditions de travail les plus confortables possibles pour l’ensemble des collaborateurs. Des outils peuvent être proposés, notamment aux managers, pour les accompagner dans cette démarche. Des études internes peuvent être réalisées, même de façon anonyme, ou des entretiens individuels, pour comprendre la situation au sein même de son entreprise et pour aider ses salariés isolés. Il est aussi essentiel de communiquer des messages de prévention et d’être à l’écoute. La bienveillance est au cœur de la démarche, il ne s’agit pas d’être intrusif ou dans le jugement.

Plus une entreprise met en place des actions de prévention, plus elle pourra intervenir tôt dans l’addiction d’un collaborateur et l’accompagner au mieux. Rappelons que même en télétravail, si un collaborateur est victime d’un accident, une entreprise qui n’a mis en place aucune action pour l’aider dans son addiction, risque une peine au civil et au pénal.

Le sujet reste sensible et tabou, et pour certains totalement sous-estimé par les pouvoirs publics. Il est pourtant essentiel que les entreprises en parlent à leurs équipes pour les mettre en situation de confiance et leur donner si besoin la possibilité d’exprimer leur détresse. Face à ces addictions de l’ombre, il existe heureusement des solutions !