Qualité de vie au Travail

Comment réussir son retour au travail après le confinement ?

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Le 11 mai 2020, la France entre en phase de déconfinement. Cette date va marquer un retour au travail pour de nombreux français, à défaut d’un retour à la normale du quotidien. Cette crise sanitaire exceptionnelle du covid-19 a un impact sur l’état psychologique de chacun. Comment prévenir les risques psychosociaux en entreprise ? A quoi doivent s’attendre les RH ? Catherine d’Aleo, Directrice du Développement de la Performance Sociale pour Apicil, nous fait part de ses suggestions, dans la deuxième partie de cet article.

Pourquoi parler de risques psychosociaux après le confinement ?

Le confinement a déjà fortement impacté la vie des français et le monde du travail. Malgré le déconfinement, le retour à la normale ne sera pas immédiat au sein des entreprises : le télétravail devra encore être privilégié et lorsqu’il ne sera pas possible, les gestes barrières devront être adoptés (distance entre les postes de travail, distribution de masques, gants et gel hydraulique, prise de la température à l’entrée des bureaux, flux de circulation pour éviter les croisements, etc.).

En plus de ces aspects pratiques, il ne faudra pas oublier un élément primordial : l’état psychologique des collaborateurs et les risques psychosociaux qui peuvent apparaître avec le temps. Plus on tardera à le faire et à l’anticiper, plus il sera difficile de régler les problèmes par la suite.

Pourquoi parler de troubles psychosociaux ? Plusieurs facteurs ont et vont entraîner des difficultés et des frustrations psychologiques :

  • La dimension anxiogène du confinement : isolement, quotidien bouleversé, liberté de gestes fortement diminuée, etc.
  • La distanciation sociale : malgré une reprise du travail, nous ne pourrons pas retrouver une vie sociale normale, indispensable pour recharger les batteries et réduire son stress.
  • L’angoisse sanitaire : la peur d’attraper le virus ou qu’un proche tombe malade.
  • L’impact des nouvelles pratiques quotidiennes de travail : dégradation du fonctionnement des équipes, tensions, etc.
  • La perte d’équilibre entre vie privée et vie professionnelle : présence des enfants dans le cadre de travail, impossibilité de s’isoler pour travailler, etc.
  • La fatigue : celle des managers d’avoir managé à distance sans être préalablement formés et sensibilisés aux bonnes pratiques, amplification du temps de connexion, épuisement relationnel (beaucoup d’échanges pour les gens moins bien préparés au télétravail), concentration plus difficile à la maison selon la configuration du logement, difficulté d’aborder des sujets compliqués à distance, etc.

Il faudra sans aucun doute donner du temps aux collaborateurs afin de favoriser le retour à plus de sérénité : cela nécessitera des mesures d’accompagnement et de soutien, notamment sur le plan psychologique.

Quels impacts et quelles solutions ? Les conseils d’une spécialiste.

Catherine d'Aleo - Apicil

Catherine d’Aleo
Directrice du Développement de la Performance Sociale
Apicil

A quoi les RH devront-elles faire face après le déconfinement ?

La crise du Corona Virus a généré un certain nombre d’incertitudes, sources d’inquiétude, de stress, d’anxiété ou de peurs, vécus à des degrés différents par les individus en fonction de leur capacité de résilience et de leurs ressources.

D’une part, les salariés s’interrogent sur la capacité de leur entreprise à protéger leur santé/sécurité au moment du déconfinement. D’autre part, certains s’interrogent sur les répercussions économiques de la crise sanitaire, notamment les salariés confrontés à une situation de chômage partiel.

L’exercice du télétravail a montré ses limites, dans ce contexte particulier. Les conditions matérielles et organisationnelles ne sont pas toujours optimales ; pour certaines entreprises, il s’agit d’une première expérience. A cela s’ajoute la difficulté à concilier activité professionnelle et parentalité, source de stress et de fatigue.

Enfin, les mesures de confinement ont créé un sentiment d’isolement qui fragilise les individus. Il n’est pas simple pour les organisations de maintenir des collectifs de travail lorsque les collaborateurs sont confinés à leur domicile. Or nous savons que le soutien social, la coopération, la qualité des relations sont des déterminants indispensables en matière de santé.

Quels conseils donneriez-vous aux entreprises pour prévenir des impacts négatifs ?

Il est important de continuer à soutenir les collectifs de travail. Lorsque le télétravail reste la modalité organisationnelle privilégiée, le management à distance doit favoriser les échanges réguliers entre collaborateurs. Au-delà des points d’activité, il est important d’instaurer des temps d’expression pour réguler les tensions, répondre au besoin de reconnaissance, favoriser la coopération et le sentiment d’appartenance, mis à mal avec les règles de distanciation sociale.

Pour cela, nous proposons aux managers d’ouvrir des espaces de discussion sur le travail et ses conditions de réalisation. Cela permet à l’équipe d’être acteur en termes de propositions d’amélioration. Ces espaces de dialogue professionnel peuvent être animés à distance grâce aux outils collaboratifs.

Pour permettre l’expression et la régulation des émotions générées par le stress, la médiation et la méditation de pleine conscience peuvent être des ressources pour préserver son capital santé. Enfin, il peut être utile, en complément, de proposer aux salariés une ligne d’écoute psychologique.

L’avenir est incertain, tout comme la bataille contre le virus loin d’être gagnée. Comment se projeter dans le temps ?

On le sait, la reprise d’activité se fera progressivement, en fonction des consignes sanitaires. Les entreprises ne pourront pas, dès le 11 mai, rétablir l’organisation du travail en vigueur avant le confinement. Le télétravail, lorsqu’il est possible, continuera à être la référence.

Selon une enquête réalisée par l’ANDRH du 20 avril au 27 avril 2020 auprès des DRH (531 répondants), la majorité des répondants a opté pour un retour progressif dans les locaux avec le maintien des salariés éligibles au télétravail (parfois à 100% dans un premier temps et/ou avec alternance de jours/semaines). Toujours selon l’enquête de l’ANDRH, 74% des DRH interrogés, prévoient un développement durable du télétravail, après la crise.

Au-delà des mesures de protection sanitaire des espaces de travail, il est indispensable de partager régulièrement les informations et décisions de l’entreprise, notamment sur le plan sanitaire, économique et social. La transparence en matière de communication permet de rassurer et mobiliser les salariés.

Le dialogue social avec les représentants du personnel et le soutien apporté aux managers dans leur rôle de transmission de l’information sont un gage de réussite pour faire face à cette situation.

Le télétravail a permis d’expérimenter de nouvelles formes de collaboration à distance sur lesquelles il convient de capitaliser, en associant les salariés. On peut par exemple, organiser un espace de discussion pour faire un retour d’expérience sur le fonctionnement du télétravail ou définir une nouvelle façon de coopérer.  Cela permet à chacun de se projeter et de faire face aux incertitudes, en étant partie prenante au changement.

Dans cette période d’incertitude, le plus important est de maintenir la motivation et le plaisir de travailler ensemble.