Qualité de vie au Travail

Projet 4121 : un premier programme collectif de recherche sur la QVCT

Bonne nouvelle dans le secteur de la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT) : un projet d’envergure vient de voir le jour ! Le Projet 4121 est une initiative ambitieuse qui a pour but d’embarquer 1000 entreprises, dirigeants et collaborateurs sur un premier programme collectif de recherche sur la QVCT. Son objectif ? Démontrer l’impact positif de la QVCT sur la performance globale de l’entreprise, quels que soient son secteur ou sa taille. Nous sommes allés à la rencontre de Vincent Baud, instigateur du projet, et président de la Fondation Projet 4121 pour en savoir plus !

Pouvez-vous vous présenter et expliquer le rôle du projet 41-21 ?

“Le Projet 4121 (prononcer Projet 41-21) est un projet de recherche qui ambitionne d’engager 1000 entreprises, de toutes tailles et tous secteurs d’activités, dans une démarche plaçant l’écoute de leurs travailleurs au cœur de leur management pour mieux faire et mieux vivre leur travail, afin d’en mesurer scientifiquement tous les bénéfices sur :

  • leur santé physique et mentale ;
  • celle des dirigeants ;
  • l’attractivité et la santé financière de l’entreprise.

Pourquoi ce projet est-il né ?

Ce projet est né du livre que j’ai écrit: “La QVT – En finir avec les conneries” (Editions MASTER). Les concepts et perspectives qu’il défend sur les questions de qualité de vie et des conditions de travail (QVCT) ont été repris dans le guide “Entreprises mondiales et bien-être au travail” soutenu par l’Organisation Internationale du Travail. L’écho qu’il a généré a été tel que j’ai proposé d’organiser un cycle de conférences partout en France à son sujet. C’est ainsi plus de 1300 personnes qui se sont réunies lors des 23 étapes qui se sont organisées partout en France à son sujet et que j’ai intitulé le “Tour de France de la QVT”.

Lors de ces rencontres, où je démontre notamment le fait qu’il ne peut pas y avoir de qualité de vie au travail sans écouter les salariés, beaucoup de chefs d’entreprise et de représentants du personnel m’ont dit: “on y croit, on veut aller dans cette direction mais concrètement: comment fait-on ?”. Ils demandaient un mode opératoire, une démarche concrète pour atteindre cet objectif sans se transformer en boîte de Pandore. J’ai alors sollicité des personnalités et experts reconnus de ce sujet pour répondre à ce besoin.

Nous avons donc décidé de produire le référentiel d’une démarche qui placerait l’écoute des travailleurs au centre du management des entreprises, afin de pouvoir la proposer aux entreprises et organisations qui souhaiteraient en expérimenter la valeur ajoutée. Et c’est pour ancrer l’intérêt général et non lucratif de cette initiative que nous avons inscrit ce projet de recherche dans une fondation par fonds de dotation que nous avons appelée: Projet4121.

Pouvez-vous nous donner des chiffres nous démontrant l’importance de ce projet ?

Le constat qui s’impose à nous est celui, d’une part, d’une dégradation de la santé physique et mentale des travailleurs, et de l’autre d’une dégradation de l’attractivité des entreprises. Et nous sommes convaincus que ces deux phénomènes sont liés par une même cause: la qualité des conditions de travail.

  • En effet, la souffrance psychique en lien avec le travail a doublé entre 2007 et 2019 (Santé Publique France, Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 2024, n°. 5, p. 92-103 : ICI).
  • De plus, les accidents du travail tels que recensés par l’Assurance Maladie ne diminuent plus, avec des accidents mortels qui ont augmenté de plus de 50% entre 2009 et 2019 (Eurostat).
  • Par ailleurs plus de 71% des employeurs ont connu des difficultés de recrutement (DARES Analyses – Juin 2022), quand les jeunes embauchés déplorent que la place accordée à la parole et la participation des salariés est ce qui manque le plus aux entreprises aujourd’hui (Fondation Jean Jaurès – Les jeunes et l’entreprise – Septembre 2022).

Il y a donc d’un côté une urgence à endiguer ces atteintes à la santé physique et mentale, et de l’autre une nécessité de répondre aux aspirations nouvelles des travailleurs pour que leur emploi préserve leurs équilibres personnels, et leur permette de participer aux décisions qui les concernent. La santé et qualité de vie au travail doit devenir au cœur du travail réel le pilier de la responsabilité sociétale des entreprises qui les portera vers leur plus grande performance.

Qui pilote ce projet ?

La Fondation Projet4121 dispose d’un comité de pilotage que je préside, auquel participent Malakoff Humanis, 4 Services de Prévention et Santé au Travail et des experts du sujet. Son objectif était d’élaborer ce référentiel commun, et maintenant de le promouvoir et le développer dans les 1000 entreprises visées. Par ailleurs, suite à notre appel, des préventeurs ont fait le choix de s’engager bénévolement à les accompagner dans cette démarche en tant que Référents Projet4121: ils sont déjà plus de 80 à s’être manifestés !

Elle dispose également d’un comité de pilotage qui aura la charge, avec un laboratoire scientifique dédié, de procéder à l’évaluation scientifique des effets de cette démarche participative sur les organisations qui l’auront adopté. Ainsi, ce n’est pas ceux qui font qui évaluent ce qu’ils font. Il est constitué de personnalités de premier plan du sujet, ainsi que des universitaires. Cela permettra en outre de rendre public, en open source et par des publications dédiées, toutes les données et résultats de ce projet de recherche.

Pourquoi les dirigeants et les collaborateurs ont un rôle central dans cette étude ?

Tout d’abord, aucun changement dans le management des équipes ne peut se produire de façon pérenne sans l’engagement du dirigeant. C’est donc une condition incontournable de réussite de tout projet QVCT, en particulier quand il se base sur l’écoute des travailleurs qui n’est pas encore une évidence pour tous les managers. Sans l’exemplarité du dirigeant, ce changement sera sans espoir. Voilà pourquoi l’adhésion à ce projet doit être la décision du dirigeant, qui la formalise dans une lettre d’engagement.

Ensuite, les collaborateurs, managers inclus, ne peuvent qu’être au centre d’une démarche participative, pour contribuer tout autant à l’identification de ce qui les empêche de bien faire et bien vivre leur travail qu’aux solutions pour y remédier. Il faut transformer le travail avec celles et ceux qui le font.

Enfin, les représentants du personnel jouent le rôle central de premier interlocuteur du dirigeant pour décider des actions à engager, et pour en évaluer ensemble l’effectivité et la qualité au cœur des situations de travail.

Qui peut s’engager dans la démarche ?

Toute entreprise, qu’elle soit publique, privée, associative, de toute taille et tous secteurs d’activité.

Quel degré de disponibilité cela va demander aux salariés et aux dirigeants ? En termes de temps et sur une période de combien de temps ?

Les entreprises auront jusqu’à 3 ans pour mettre en œuvre l’intégralité du Référentiel de la démarche Projet4121, dans une feuille de route établie à partir de l’état des lieux initial qu’elles valideront avec leur Comité Social et Économique (CSE) ou, à défaut, le salarié compétent en prévention des risques désigné par l’employeur comme le demande le code du travail. Le temps qu’elles vont y passer pour s’y préparer, s’écouter, évaluer les problèmes remontés dans chaque équipe, et agir pour les régler dépendra donc de leur situation initiale, de leurs besoins, leurs moyens, et il est donc inestimable a priori. Par contre, ce temps qu’il faudra investir est l’une des données que nous allons collecter par l’évaluation scientifique afin de le comparer aux bénéfices que ce projet va générer.

Concrètement, comment va cela se passer pour les dirigeants et salariés qui s’impliquent ?

Concrètement, les employeurs qui souhaitent rejoindre le Projet4121 à partir du site www.projet4121.org, devront signer une lettre qui les engage notamment à en respecter ses valeurs: le respect de son Référentiel, la transparence des données qui en sont issues, et le dialogue social qui doit l’accompagner. Ils bénéficieront de l’aide d’un Référent Projet4121 pour les accompagner et les réunir localement afin qu’ils partagent leurs expériences entre eux.

Ensuite, ils feront avec leur CSE l’autodiagnostic de ce qui est demandé par le Référentiel au regard de ce qui existe déjà pour en déduire leur feuille de route QVCT, sur 1, 2 ou 3 ans, qu’ils communiqueront aussi à la Fondation.

Puis, ils s’assureront de disposer des compétences nécessaires pour mettre en œuvre le Référentiel qui se structure autour de 3 piliers: Ecouter, Evaluer, Agir. Une liste de ces compétences nécessaires est précisée dans le Référentiel.

Enfin, ils mettront en œuvre cette feuille de route QVCT propre à leur situation spécifique, et tous les ans, ils en feront le bilan pour le transmettre, toujours avec la validation indispensable du CSE, à la fondation. Ainsi, sur le site, chacun pourra donc avoir accès aux feuilles de route de chaque établissement engagé, et à leur bilan annuel validé avec le CSE.

En quoi ce projet va apporter des usages concrets aux entreprises participantes ? En quoi ce projet est innovant ?

Passer d’un management directif, encore dominant aujourd’hui, à un management participatif en mettant l’écoute des travailleurs en son centre va être un nouvel usage concret pour beaucoup d’entreprises ! Ensuite, intégrer la santé physique et mentale dans les tableaux de bord de l’entreprise, à égalité de traitement, va l’être pour toutes celles qui ne suivent que leurs accidents de travail. De plus, apprendre à débattre et surtout à transformer les situations de travail des employés de tous niveaux hiérarchiques et tous statuts avec eux, et non pour eux, en y intégrant l’organisation du travail et la charge de travail, par exemple, si peu abordée et régulée, sera un changement majeur des pratiques existantes. Enfin, démontrer scientifiquement que les bénéfices seront supérieurs aux coûts engagés sera la preuve qui manque si souvent à la démonstration de l’impact que la QVCT a sur la performance globale des organisations.

La production de ce référentiel de management de la QVCT centré sur 3 axes: écouter – évaluer – agir, le rôle clé des partenaires sociaux dans la co-construction et l’évaluation concrète de la feuille de route QVCT publiée en toute transparence sur le site www.projet4121.org, la mise à disposition de Référents Projet4121 bénévoles pour accompagner chaque entité engagée, l’ambition de changer d’échelle en engageant 1000 entreprises de toutes tailles et tous secteurs d’activité dans une même démarche QVCT, la représentativité et la pluridisciplinarité des membres de la Fondation et son but non lucratif: tout cela fait du Projet4121 un projet de recherche unique en son genre.

Les grands rapports sur le sujet nous indiquent que le travail doit se transformer avec celles et ceux qui le font.

Les grandes institutions nationales et internationales aussi.

Notre société, et nos sociétés en ont besoin pour adopter un nouveau modèle de management d’une performance devenue socialement responsable dans les faits.

Le changement climatique et ses impacts sur les conditions de travail va accentuer plus encore ce besoin.

Faisons-le !”