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Noélie Balez, jeune maman et entrepreneur : « la maternité a fortifié mon entreprise ! »

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Peut-on concilier maternité et entreprenariat ? Noélie Balez, co-fondatrice de Pampa Paris, entreprise de livraison de fleurs, est maman depuis 4 mois. Elle témoigne.

Combien êtes-vous chez Pampa ?

Nous sommes entre 15 et 20 collaborateurs fixes. Et jusqu’à 40 lors des pics d’activité, comme la Fête des Mères par exemple, où nous faisons appel à des freelances et personnes extérieures.

Photo de noelie balez

Comment avez-vous annoncé la grossesse à vos collaborateurs ?

 

J’ai appris que j’étais enceinte fin août 2018 ; je suis rentrée en septembre et je l’ai tout de suite annoncé à mon associée, qui a très bien pris la nouvelle. Nous avons une équipe bienveillante encore à taille humaine où il est encore possible de parler famille. Je me suis demandée si je faisais une simple annonce, mais cela pouvait être un peu froid. Ce moment étant important pour moi et pour Pampa, je voulais garder la proximité avec mes collaborateurs. Ils sont impliqués dans cette première naissance dans l’entreprise, donc je ne pouvais pas leur lâcher comme ça « je suis enceinte ». Cela peut inquiéter, on peut se dire que l’entreprise n’est plus ma priorité, que je lâche le navire…

J’ai donc décidé de profiter de moments d’ouvertures avec chaque personne de l’équipe pour leur confier ce petit secret, à seulement un mois et demi / deux mois de grossesse. C’est à cette période qu’on a envie de crier à la rame de métro : « Je suis enceinte, laissez-moi m’assoir sinon je vais tomber dans les pommes ! ».

J’avais besoin de les mettre dans la complicité. Ils ont créé un filet de bienveillance et de sécurité. On était sur des chantiers à ce moment, et ils me demandaient comment j’allais, ils m’aidaient, ils m’amenaient un verre d’eau… C’est tout bête mais c’est cela dont on a besoin.

Quand on tape sur Google : « être chef d’entreprise et annoncer sa grossesse à ses salariés », il n’y a rien ! Les articles qui sortent sont toujours « Comment ne pas se faire licencier quand on annonce sa grossesse » ! Pourtant notre objectif en tant que dirigeant est de maintenir un équilibre dans l’entreprise, en même temps que l’accueil d’un enfant dans son quotidien.

 

Comment avez-vous procédé ensuite, après l’annonce aux salariés ?

 

Notre entreprise est en pleine croissance, et nécessite d’être assez réactive. C’est le grand challenge chez nous : nous sommes pratiquement tout le temps en train de recruter, du fait de nouveaux besoins, etc.

Donc on s’est dit : « Ok, le compte à rebours est lancé, on a un peu moins de 8 mois pour s’organiser. Il faut que tu puisses accoucher sereinement, sans avoir à culpabiliser pendant l’accouchement parce que des mails sont à envoyer ou que des gens attendent des réponses ».

Je ne pouvais pas me permettre que les décisions ne circulent plus pendant mon absence, et qu’elles reprennent à mon retour. Je suis CEO et mon poste est polyvalent : il comprend une partie business, finance, direction commerciale, RH, marketing, logistique, opérations, outils digitaux…  On a donc a fait une liste précisant toutes mes missions et isolé celles que je pouvais déléguer. Par exemple, pour s’occuper de la société de ménage, ou la gestion de certains prestataires. Mon attention doit plutôt se porter sur la stratégie de la boîte, sur la recherche de nouveaux clients et la RH.

On a ensuite regardé comment, petit à petit, j’allais pouvoir « disparaître », en me reposant sur mes managers. Et à ce moment-là, il nous en manquait.

 

Vous avez donc recruté ?

 

Oui, on a donc restructuré Pampa et créé des postes, créé une arborescence avec des gens à qui je pouvais déléguer. Un de nos commerciaux qui connaissait bien l’entreprise souhaitait monter en compétences : il est devenu ainsi manager BtoB, suite à un accompagnement par un RH extérieur.

Nous avons également embauché une administratrice Office manager, qui gère les bureaux, et fait notamment les entrées et sorties des employés.

Et une troisième personne nous a rejoint : un consultant en organisation, qui est devenu ensuite mon bras droit. Cela a été un souffle d’air d’avoir cette personne en plus, qui a pris des responsabilités sur beaucoup de sujets quand j’ai du m’absenter.

Je n’organisais des calls réguliers qu’avec ces trois personnes là et mon associée bien sûr, qui est aussi au cœur de toute cette machine et a été mon socle pour toute cette organisation.

Je suis partie ainsi très sereinement.

 

Déléguer est donc un exercice qui fait avancer l’entreprise…

 

Oui, cet exercice, n’importe quel dirigeant devrait le faire, car c’est cela être un bon dirigeant : savoir déléguer et trouver les bonnes personnes pour faire le travail. Ne pas cristalliser la prise de risque sur son poste ; ce n’est pas qu’au dirigeant de prendre le risque qu’une décision soit bonne ou mauvaise.

A un moment il faut qu’il puisse faire confiance à quelqu’un, et lui laisser prendre la décision.

C’est un travail de lâcher-prise. Ce n’est pas que savoir déléguer, c’est savoir faire retomber la prise de risque à d’autres niveaux. Cela est en plus très valorisant pour les salariés. Ils sont plus concentrés, et veulent bien faire.

C’est un phénomène connu en RH : si on ne délègue pas, au bout d’un moment, les employés se reposent sur vous pour finir le travail.

Toute cette réorganisation m’a permis de prendre du recul, de comprendre mon travail, et à voir comment je pouvais être plus efficace dans mon travail, d’être moins dans l’opérationnel et plus dans la stratégie.

On a également tout fait pour que ce ne soit pas mon associée qui reprenne toutes mes tâches. Elle gère l’image, la marque, les approvisionnements, les produits, la conception, etc. C’est déjà assez énorme pour qu’elle n’ait pas à subir en plus mon travail.

Avec ce système on a fait avancer la boîte. La maternité a finalement fortifié notre entreprise.

Un bon CEO, c’est quelqu’un qui sait bien s’entourer, sait bien recruter et sait faire en sorte que sa boîte tourne sans lui, pendant qu’il gère la stratégie, la structure RH, etc. Ce n’est pas quelqu’un qui fait tout à la place de tout le monde.

 

Votre petite fille est arrivée en Mai, comment s’est passée la suite ?

 

Un mois et demi après je commençais à revenir petit à petit au bureau, pour les rendez-vous, avec ma fille sur moi. Cela m’a permis, plutôt que de me retrouver seule à la maison, d’avoir un soutien dans l’entreprise.

Le porte-bébé a été la meilleure pépinière, j’ai fait des rendez-vous de financement, des rendez-vous clients, avec elle, des interviews… !

 

Vous allaitez également au travail, cela a-t-il été bien accepté par vos collaborateurs ?

 

Je ne voulais pas mettre mal à l’aise mes salariés et je me mettais dans une salle à part. Mais je me suis rendue compte que quand j’allaitais, ce sont eux qui venaient me voir et me parler sans problème ! Ce sont eux aussi qui, par leurs réactions positives, m’ont permis d’être avec tout le monde et même de faire les réunions et allaiter en même temps (avec discrétion quand même !).

Il m’est même arrivé d’aller à une soirée du Réseau Entreprendre avec elle en porte-bébé, et cela a été bien accueilli !

 

Selon vous on peut donc concilier maternité, allaitement et gestion d’une entreprise ?

 

Oui c’est possible mais il faut de la volonté et avoir le tempérament pour, car ce n’est pas facile.

Je ne veux pas avoir ce discours du type « toutes les femmes peuvent y arriver », non. Chacun vit sa maternité différemment et c’est déjà assez nouveau, prenant et challengeant pour ne pas rajouter l’obligation à une femme de « gérer tous les fronts » bureau + allaitement en même temps. Je l’ai fait par choix et cela doit rester un choix individuel qui ne doit pas être contraint par d’autres personnes.

Il faut se roder au début, mais il faut diviser sa tête en quatre. Et être flexible ! Parfois je peux être en retard à un rendez-vous si je ne peux pas faire autrement. Ma fille était malgré tout ma priorité !

 

Comment s’est passé votre retour au travail ?

 

Je suis revenue en juin, avant la fin du congé maternité, car c’est une période de forte activité et je devais être présente.

Je n’étais cependant pas sur des missions opérationnelles. J’ai prévenu en précisant que je ne suis pas réactive comme d’habitude : je ne traite que les urgences, etc.

Au même moment, j’ai vu en café informel tous les membres de l’équipe un par un : ce n’était pas un bilan RH, mais on a pu échanger sur le travail, sur leurs besoins et demandes.

On a donc mis en place pendant une semaine avec mon Office Manager une petite boîte avec 4 couleurs de post-its : chacun peut écrire ce qu’il a à dire (les problèmes rencontrés, les solutions proposées, les choses positives sur l’entreprise, et des idées en vrac).

On a dépouillé cette boîte, on en a tiré quatre grands axes de points à améliorer. On va prévoir des ateliers avec un animateur en co-développement, des réunions sur la réorganisation de l’équipe, etc.

On va passer en organigramme type « Holacratie » dès septembre. On a une équipe qui grandit très vite donc on est obligé d’être agile et de se remettre en question.