Management

Interview Rachel Vanier : l’ambition ne peut pas être raisonnable !

3 minutes
Vous vous souvenez ? Nous avions rencontré Rachel Vanier, auteure d’ « Écosystème » et Directrice de la Communication de la Station F, lors du BlendWebMix à Lyon en octobre 2017. Elle anime une conférence sur le sujet avec l’opération Mona Fest de My Little Paris. Un espace de discussions pour les entrepreneures et les bavardes dont il faut découvrir la programmation sans tarder. Si vous êtes Parisien(nne)s, vous avez la possibilité de vous inscrire à la conférence du 18 octobre à 16h (premier arrivés premiers servis !). Nous vous recommandons aussi de lire notre interview sur le talent et l’ambition avec un grand A.
Photo de Rachel Vanier

Les start-up : une mode ou l’ambition d’une génération ?

L’Elan des Talents : Ecosystème, c’est l’histoire de deux start-upper, deux millenials, qui semblent être déçus ? Le monde qu’ils sont en train de créer n’est pas plus adapté que le monde qui existait avant…

Marianne et Lucas ne sont pas déçus tous les deux, seule Marianne est déçue. Elle est pétrie d’ambition mais c’est un peu une ambition qui n’a pas d’objet. C’est tout droit mais on ne sait pas vers quoi !

Lucas, lui a une personnalité complètement différente. Lucas a la conviction profonde et authentique que la technologie peut changer le monde […]

Leurs deux visions se croisent, s’opposent et s’enrichissent. Ils s’engueulent beaucoup ! Du coup, ils confrontent leur vision du monde et se posent des questions […] Marianne se plonge dans le milieu des start-up parce que, pour elle, c’est cool ! Son ambition est de devenir start-uppeuse parce qu’elle veut simplement rentrer dans cette nouvelle mode. Elle veut gagner plein d’argent, faire de belles levées de fond et changer le monde […]

Etre banquier, être consultant, chef de projet, ce ne sont pas du tout les carrières qui intéressent les gens. On est dans une phase où les cartes sont rebattues […]

 

Les PME et les start-up : des business models distincts

L’Elan des Talents : Finalement, le monde des start-up n’a rien facilité. C’est aussi dur maintenant qu’avant …

Non c’est vrai, mais par contre cela s’est démocratisé. Pour des raisons diverses et notamment grâce à un saut technologique dans l’accès aux hébergements web […]

L’information est de plus en plus liquide et on médiatise beaucoup ceux qui ont réussi. Cela en inspire d’autres. Tant et si bien qu’on a remis en cause l’entrepreneur traditionnel, celui qui crée une PME. Alors que c’est tout à fait louable…

Les nouvelles générations confondent un peu le fait d’être leur propre patron… avec une start-up. Une start up, c’est très particulier, c’est technologique. Et ceux qui veulent créer une marque de vêtements ou un commerce de quartier se retrouvent un peu embourbés dans cette mode. En fait, ils veulent juste monter un business et c’est très bien. Et c’est vraiment la question que Marianne refuse de se poser. […]

L’ambition [du start-upper] est tellement valorisée qu’il est difficile d’accepter qu’on a une ambition différente. Pas moins bien juste différente.

 

L’ambition, mal perçue en France ?

L’Elan des Talents : L’ambition, c’est la seule façon de se définir, de réussir pour toi ou alors on peut se réaliser différemment ? 

C’est un terme un peu ambivalent en France. On en a à la fois une image valorisée car c’est l’image du conquérant. Celui qui accomplit des choses, qui laisse sa marque dans l’histoire. Et à la fois une vision assez péjorative, celle du requin, celui qui a les dents qui rayent le parquet. Et c’est difficile de se positionner dans une de ces deux versions, qui sont toutes les deux très fortes.

C’est difficile de se dire que je vais avoir une ambition modérée car justement l’ambition, c’est immodérée ! Alors que l’on remet en cause les modèles traditionnels, les temps dédiés au job, le fait que l’on ne se définisse plus par la belle carrière. Il est devenu possible de se dire : « Oui, j’ai une ambition raisonnable ».

Bien sûr que je suis ambitieuse, j’ai envie de bien faire mon métier comme j’ai envie de bien écrire et de bien vendre mes livres. Ce n’est pas pour autant que je me reconnais dans les modèles hyper ambitieux qui cassent la baraque.

On me dit souvent si je ne veux pas être écrivain exclusivement. Non en fait, moi j’aime bien me nourrir des deux métiers que j’ai en parallèle.

Le monde corporate annihile la créativité, ce n’est pas un endroit où on est censé prendre du recul, donc il faut forcer ça.

 

Donner du sens, la clé du bien-être en entreprise

L’Elan des Talents : Travailler sur l’ambition, retenir les talents, faire travailler les différentes générations ensemble… Ce sont des questions que se posent de nombreux DRH aujourd’hui. Est-ce que tu aurais des pistes ou des conseils à leur donner ?

C’est vraiment dur de répondre à cette question. Même si je peux avoir une analyse de la situation, je n’en ai pas eu l’expérience, c’est difficile pour moi d’en avoir une compréhension first hand !

Quand on se pose cette question, c’est qu’on est déjà dans une entreprise où il y a pas mal de salariés. On est 18 à la Station F et c’est la plus grosse équipe dans laquelle j’ai travaillé ! Heureusement, les relations se font encore entre les gens quand on est 18. On arrive à se parler !

Tous les gens avec qui je travaille sont passionnés. Ils ont envie de donner du sens à leur travail, tout comme moi.

La vie en entreprise quand tu as des milliers de collaborateurs, qu’il faut identifier les gens et les faire se sentir bien, j’imagine que ce doit être très difficile car on doit être noyé dans la masse…

Passer du temps avec son équipe, parler avec le top management, ceux qui incarnent le projet. Échanger avec ceux qui consomment le projet, comprendre ce qu’ils pensent du produit que l’on développe. Ça, c’est fondamental !

 

Le manager est légitime dans cette quête de sens

L’Elan des Talents : Une chose à retenir, celle que tu donnes au quotidien à ton équipe qui fait qu’ils se sentent bien … ?

C’est important de se remémorer la mission pour laquelle on est là, surtout quand tu as un rythme très soutenu […]

En fait, il faut vraiment faire des pauses et comprendre pourquoi tu fais ça. Toucher un salaire à la fin du mois, cela ne suffit pas, il y a plein d’autres jobs pour lesquels tu pourrais toucher un salaire ! La question est de savoir pourquoi j’ai décidé de toucher ce salaire-là plutôt qu’un autre.

C’est parce qu’on est passionné, parce que l’entreprise pour laquelle on travaille a une vraie valeur économique ou sociale ou parce qu’on adore son équipe, parce qu’on a l’impression de bosser pour des gens brillants, ce sont ces choses qui sont importantes.

 

Nouveautés et opportunités comme moteurs de motivation

L’Elan des Talents : Et demain où tu seras ? Tu n’as pas de plan de carrière j’imagine que c’est un mot vulgaire… 

Non en effet, je ne suis pas très carriériste ! Je vais voir, je vais saisir les opportunités. Je n’ai pas vraiment de plan de carrière professionnel. Par contre, je m’astreins à un rythme de publications d’un livre tous les deux ans. C’est ambitieux pour le coup !

Je vais écrire des nouvelles, explorer des nouvelles façons de travailler, d’aller toujours plus loin, de bosser avec des éditeurs. C’est un projet sur le long terme qui me tient vraiment à cœur.

Crédit photo : Aura Constantin

Qui est Rachel Vanier ?

Rachel Vanier possède un pied dans le digital et un pied dans la littérature. Elle a été responsable de la communication de Station F, l’incubateur géant conçu par Xavier Niel, inauguré par Emmanuel Macron en juin, et en même temps l’auteur de deux romans, dont le très récent Ecosystème (Ed. Intervalles, 2017), photographie de la génération start-up, qui en est à son deuxième tirage. Diplômée d’hypokhâgne et de Science Po, elle trouve sa vocation d’écrivain lors d’une année au Cambodge au sein d’une ONG. Elle commence à écrire dans un blog qui lui ouvre les portes du monde de l’édition.